« L’affaire du Stade de France, c’est une misérable histoire de pickpockets parmi une foule de supporteurs, un contexte pour le moins habituel en Seine-Saint-Denis », tonne l’avocat Loïc Le Quellec, commis d’office à la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Bobigny, où six mis en cause comparaissaient, mardi après-midi, à la suite des troubles à l’ordre public commis lors de la finale de la Ligue des champions, samedi 28 mai.
La robe noire a tenu à remettre les incidents à leur juste proportion – le désordre n’a occasionné ni mort ni blessé – alors que la représentante du parquet tentait d’« internationaliser » des faits de délinquance « qui dépassent le cadre de l’audience ».
La passe d’armes entre l’accusation et l’avocat s’est aussi teintée d’ironie : alors que la parquetière requiert dix mois de détention ferme à l’encontre d’un Algérien de 24 ans sans papiers, inconnu des services de police et suspecté de recel de vol d’un téléphone portable sur le quai bondé de la ligne 13 du métro après le match, Loïc Le Quellec ne s’est pas laissé impressionner : « On ne prononce pas dix mois de détention ferme pour quelqu’un qui n’a pas de casier judiciaire ! Ça, ça n’existe pas quand il n’y a pas de journalistes dans la salle ! »
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Aucun détenteur d’un faux billet
En effet, la 17e chambre était emplie de reporters alors que les faits jugés en comparution immédiate représentent l’ordinaire d’un tribunal judiciaire. On a cherché en vain un détenteur d’un faux billet ou sans ticket d’entrée – sur les 40 000 annoncés par les autorités, peut-être la police aurait pu en mettre au moins un à disposition de la justice – ou une « racaille », comme certains politiques appellent désormais dans le débat public les jeunes des cités de Seine-Saint-Denis.
Au total, sur 105 interpellations le soir du match, il ne restait plus qu’une quarantaine de gardés à vue. Seuls six d’entre eux ont été retenus par la justice de Bobigny, les autres ont tous été remis en liberté sans aucune charge. À ce stade, il n’existe plus aucune procédure au parquet de Bobigny liée aux délits commis le soir de la finale de la Ligue des champions. Seule une nouvelle enquête a été lancée après le signalement du préfet de police de Paris Didier Lallement sur un éventuel trafic de faux tickets d’entrée.
Larcins habituels
Qui sont donc les six hommes qui ont dû rendre compte de leur comportement suspect le soir du match qui a vu le Real Madrid remporter sa 14e Ligue des champions ? Trois Péruviens de 21 à 39 ans, sans papiers, mis en cause pour vol et recel de téléphones portables : 14 mobiles ont été retrouvés lors des perquisitions. Deux Algériens, dont un sans titre de séjour : celui de 24 ans, inconnu des services de police, dans les poches duquel les policiers ont découvert un téléphone volé, l’autre soupçonné du vol d’une montre de luxe sur un supporteur mexicain. Un Palestinien, sans papiers, qui comparaît avec un coquard à l’œil, suspecté du vol à l’arraché d’un collier suivi de violences sur un policier.
Selon l’accusation, trois Sud-Américains, un demandeur d’asile et deux autres qui seraient venus de Barcelone à dessein le soir du match pour commettre des larcins, se seraient rendus coupables de vols et de recel de téléphones portables. Les victimes du vol, deux supporteurs britanniques, sont absentes. L’audience étant très chargée – le tribunal devait juger 11 affaires cet après-midi –, le procès de ces trois mis en cause a été renvoyé au mois de juillet : deux d’entre eux, sans garantie de représentation, selon le tribunal, ont été placés en détention provisoire, le troisième a été placé sous contrôle judiciaire.
OQTF
Du côté des deux Algériens, le voleur de portable a été condamné à six mois de prison avec sursis et a pris le chemin d’un centre de rétention. Quant au suspect du vol d’une montre de luxe, titulaire d’un contrat à durée indéterminée de plombier, il a écopé de 10 mois de prison, dont trois avec sursis et un aménagement de peine.
La peine la plus lourde, 10 mois de prison ferme, a sanctionné le Palestinien à l’œil au beurre noir sans papiers et à qui la préfecture a délivré une obligation de quitter le territoire français dès le lendemain du match de football. La justice lui reproche d’avoir arraché le collier d’une jeune femme supportrice de l’équipe de Liverpool et d’avoir mordu son amie qui s’était interposée. L’accusé de 34 ans nie les faits, mais les victimes l’ont reconnu. Une fois au commissariat, il s’est débattu, selon un policier, agressé, partie civile à qui un médecin a prescrit 21 jours d’ITT. Le mis en cause nie là aussi. La preuve, explique-t-il, sa blessure à l’œil le démontre : c’est lui qui a été frappé par le policier. Pour le larcin commis avec violence, le tribunal a reconnu la culpabilité du comparant en le sanctionnant de dix mois de prison ferme avec mandat de dépôt.