Tensions et grenades lacrymogènes. Ces mots résument la soirée de dimanche dans le quartier du Bois-l’Abbé puisqu’après des interpellations houleuses, des habitants du quartier se sont attaqués au commissariat de Champigny-sur-Marne.
« Cela a été d’une violence inouïe », affirme une mère du quartier. « C’est une interpellation classique suite à un refus d’obtempérer, considère pour sa part un proche de l’affaire, qui ajoute : deux jeunes étaient sur le toit d’une voiture qui roulait. » La soirée de dimanche a été relativement tendue dans le quartier du Bois-l’Abbé à Champigny-sur-Marne puisque entre trente et quarante personnes se sont rendues devant le commissariat, suite au placement en garde à vue de trois suspects pour « outrage, rébellion et complicité de refus d’obtempérer », détaille le parquet de Créteil. Ce dernier précise « qu’aucune interpellation n’a eu lieu sur le rassemblement survenu ensuite. »
Dans le quartier, au départ, l’ambiance était festive. « Il y avait un enterrement de vie de jeune fille », raconte une habitante. Vers 21h40, une voiture circule avec deux personnes sur le toit. « Outre le fait que cela excitait tout le monde, c’est surtout très dangereux pour eux », détaille une source proche de l’affaire. Après un refus d’obtempérer, trois voitures de police l’ont bloquée et ont procédé à l’interpellation du conducteur et des deux acrobates.
La foule fonce vers le commissariat
Presque immédiatement, un attroupement se crée, des cris et des insultes fusent. « Les policiers ont fait usage de gaz lacrymogène pour se dégager et permettre à leurs collègues de les emmener dans les voitures », décrit un proche de l’affaire. Une vidéo, filmée du dessus, montre notamment l’un des suspects retourné avant d’être mis au sol pour lui passer les menottes. Une jeune femme qui cherche à s’interposer est repoussée et chute assez violemment sur le sol. Elle revient ensuite à la charge avant d’être aspergée de gaz lacrymogène. Un ami la ceinture pour la calmer. « D’après les prises de vues, il n’y a pas de geste non réglementaire », selon une source policière.
Dix minutes plus tard, un groupe de trente à quarante personnes se ruent sur le commissariat pour aller chercher leur copain. Certains n’hésitent pas à forcer le passage en passant par le tourniquet alors qu’au moins un tir de mortier a été effectué sur la façade. Pour se dégager, six grenades lacrymogènes ont été dégoupillées et un policier a fait usage de son lanceur de balles de défense. « Je suis resté cachée dans ma voiture tellement j’ai eu peur », raconte une mère.
Les Papas Debout appellent au calme
Dans le quartier, les interpellations et l’émotion qui a suivi ont amené immédiatement l’association Les Papas Debout à intervenir. Ce groupement de pères du quartier qui veulent maintenir le calme est allé discuter avec les jeunes. « Nous étions square Goujon deux minutes après les faits, décrit Saliou Dia, coordinateur de l’association. On a fait une ronde dans le quartier pour faire baisser la tension. Ces dernières semaines, il n’y avait pas de souci. »
Des appels aux affrontements avec la police circulent déjà au Bois-l’Abbé après cette interpellation. « On va suivre ça de près pendant plusieurs jours, il ne faut pas que la situation s’envenime », insiste Saliou Dia. « Le quartier était très calme et depuis longtemps », décrit une source policière qui parle « d’épiphénomène ».
Samedi prochain, un grand banquet est organisé par la communauté africaine du quartier, qui invite voisins et partenaires. « Le commissaire et quelques policiers vont essayer de venir, se réjouit Saliou Dia. Ce type de rencontres, suspendues à cause du Covid, permet à tous de se rencontrer, de se parler et de faire tomber les préjugés, c’est essentiel ! »En attendant, « à Champigny-sur-Marne avec trois brigades de police secours à 8 effectifs contre 14 auparavant, une brigade de nuit à 12 effectifs et une brigade territoriale de contact à 26 effectifs contre 40 auparavant, comment voulez-vous opérer la reconquête républicaine des quartiers ? Situation que nous avons déjà dénoncée auprès de la direction territoriale du Val-de-Marne qui n’a obtenu que deux sorties d’école pour renforcer ce commissariat », dénonce Réda Belhaj, secrétaire départemental Unité SGP – Force ouvrière.