Selon son avocate, si les faits de harcèlement et d’agression sexuelle qu’elle avait déjà dénoncés sont d’ores et déjà prescrits, la tentative de viol peut quant à elle toujours être jugée par la justice.
L’élue centriste qui accusait le ministre des Solidarités Damien Abad d’avoir tenté de la violer en 2010 a déposé plainte lundi 27 juin auprès du parquet de Paris, selon une information de Mediapart confirmée par Le Parisien. Au site d’investigation, la femme politique, renommée Laëtitia pour préserver son anonymat, indique vouloir « encourager les victimes à libérer leur parole » en portant l’affaire devant la justice. Cette plainte est « actuellement en cours d’analyse », a précisé le parquet à l’AFP.
Mi-juin, elle avait dénoncé une agression sexuelle et du harcèlement de la part de Damien Abad lors d’un mariage dans l’Aveyron, à l’été 2010, mais également une tentative de viol lors d’une fête au domicile de l’ancien Républicain, à Paris, au premier semestre de cette même année.
Ce lundi, Damien Abad a annoncé son intention de déposer plainte pour « dénonciation calomnieuse », face à des « accusations mensongères ». « Une nouvelle fois, je conteste avec la plus grande fermeté toute accusation de tentative de viol ou d’agression sexuelle », a-t-il affirmé dans une déclaration écrite transmise à la presse. « Je ne laisserai pas ces accusations mensongères et scandaleuses sans réponse. Dès ce jour, j’ai demandé à mes avocats de déposer une plainte en dénonciation calomnieuse », a-t-il ajouté. Sa détermination, dit-il, « est totale ».
« Si je parle, c’est pour que ça s’arrête »
« Si je parle, c’est pour que ça s’arrête, qu’il ne puisse pas recommencer », avait indiqué la victime présumée. Elle a affirmé auprès de Mediapart avoir tenté d’« oublier tout ça » pendant dix ans, mais les récits des deux autres femmes sur des faits présumés de viols remontant à 2010 et 2011 et publiés sur le site d’investigation en mai, l’auraient emplie de « culpabilité ».
Le ministre avait « également fermement démenti ces deux accusations, mettant notamment en avant son handicap. « Il m’est impossible physiquement de commettre les actes décrits », avait-il assuré.Si les faits présumés d’agression sexuelle et de harcèlement subis par l’élue sont prescrits, son avocate, Raphaële Bialkiewicz, estime auprès du journal que la tentative de viol que sa cliente dénonce ne l’est pas. « Il s’agit d’une plainte pour tentative de viol, la prescription est donc la même qu’en matière de viol, soit de 20 ans. Les faits ayant été commis en 2010, ma cliente peut porter plainte jusqu’en 2030 », explique l’avocate.
Huit attestations de témoins et des éléments constatés par huissier
La plainte de l’élue, que Mediapart a pu consulter, est étayée par huit attestations de témoins ou confidents (tels que son médecin, des proches, des amis ou d’autres élus), des messages et éléments constatés par huissier, et une attestation de Chloé, une autre plaignante qui accuse Damien Abad de viol, et que Laëtitia ne connaît pas.
En 2010, Laëtitia décrit d’abord un climat « malsain » et sexiste à la fédération des Jeunes Centristes de son département, qu’elle présidait. Damien Abad, qui était alors le président national, venait d’être élu député européen. « Ça a vrillé. Il est tombé dans un sentiment de toute-puissance et d’impunité permanentes », raconte-t-elle. Elle assure qu’il était devenu « collant », lui proposant des « visites nocturnes en tête-à-tête » qu’elle dit avoir déclinées, et qu’il lui arrivait de frotter ses bras et ses mains sur ses seins au moment de lui faire la bise.
Pas « le moindre doute » d’une « intention de pénétration », pour l’avocate
À l’occasion d’une soirée festive en 2010 chez Damien Abad, ce dernier lui aurait offert un verre au fond duquel elle dit avoir « vu quelque chose ». Méfiante, elle serait partie aux toilettes pour recracher sa gorgée et c’est en sortant qu’elle aurait découvert qu’Abad l’attendait « derrière la porte ». Le député l’aurait alors poussée dans une pièce, proféré des « insanités » et poussé la tête de la jeune femme vers son entrejambe. « Son sexe n’était pas sorti, mais son pantalon était ouvert », précise-t-elle à nos confrères.
Elle affirme avoir été « surprise » par la force du député et s’être débattue. Il aurait alors « complètement inversé les rôles », se faisant passer pour la victime. Laëtitia explique avoir pu sortir de la pièce grâce à l’irruption d’un convive. L’histoire de cette élue centriste a été étayée par les témoignages de huit personnes, à qui elle s’était confiée ou qui avaient pu assister à certains éléments qu’elle décrit, indique Mediapart.
Dans la plainte déposée le 27 juin consultée par nos confrères, l’avocate de Laëtitia estime que « l’intention d’une pénétration a minima buccale, imposée par Monsieur Abad à la plaignante par la force » ne ferait « pas le moindre doute ».