Si le reste du corps vieillit, le foie, lui, reste éternellement « jeune ». Les cellules de cet organe vital se régénèrent particulièrement rapidement, selon les résultats d’une étude allemande.
Une récente étude réalisée par une équipe de chercheurs allemands de l’université de Dresde démontre que l’ensemble des cellules du foie humain se régénère en totalité en moins de trois ans.
Jusqu’ici, les données sur cet organe étaient uniquement tirées d’études réalisées sur des souris. La communauté scientifique avait connaissance d’une régénération relativement rapide, mais pas si conséquente. À travers cette étude réalisée sur des tissus et cellules de foies humains, « nous espérions générer un modèle complet de renouvellement des cellules hépatiques dans le foie humain, ce qui aurait des implications potentielles [sur la compréhension de] la régénération et l’initiation du cancer » précise Olaf Bergmann, l’un des co-auteurs de l’équipe de scientifiques.
« Les hépatocytes humaines présentent un renouvellement continu et à vie, ce qui permet au foie de rester un organe jeune (dont l’âge moyen est inférieur à trois ans) » décrivent les chercheurs au sein de leur étude. Pour comprendre en quoi le résultat est surprenant, Olaf Bergmann décrit le processus scientifique par lequel l’équipe est passée : « Déterminer l’âge biologique des cellules humaines est un défi technique de taille puisque les méthodes couramment utilisées dans les modèles animaux ne peuvent être appliquées aux humains » explique le chercheur. Afin de réaliser cette étude, l’équipe allemande a utilisé la datation de naissance rétrospective au radiocarbone afin d’in fine, réussir à évaluer l’âge des tissus humains.
« Le carbone est un élément chimique omniprésent qui constitue l’épine dorsale de la vie sur Terre » relève Olaf Bergmann.« Le radiocarbone est l’un des différents types de carbone. Il apparaît naturellement dans l’atmosphère. Les plantes l’incorporent par photosynthèse, de la même manière que le carbone classique, et le transmettent aux animaux et aux humains. »
L’Histoire de notre planète a été profondément marquée par différents essais nucléaires qui ont commencé pendant la Seconde Guerre mondiale. Le premier essai américain s’est tenu trois semaines avant que la bombe atomique ne soit larguée en août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki, au Japon. « Jusqu’en 1960, les essais sont essentiellement pratiqués dans l’atmosphère. Les explosions ont pour conséquence le rejet et la dissémination de matières radioactives dans l’environnement. En raison de la répartition des sites de tir et du nombre d’essais pratiqués, la contamination concerne l’ensemble du globe » confirme Olaf Bergmann.
Les contaminations carbones sont globales et tous les êtres vivants de l’époque, y compris les humains, en gardent une trace dans leur organisme. « En conséquence, les cellules formées à cette époque présentent des quantités plus élevées de radiocarbone. Après l’interdiction officielle des essais nucléaires en surface en 1963, les quantités de radiocarbone atmosphérique ont commencé à diminuer, tout comme les quantités de radiocarbone incorporées dans les animaux. En comparant les valeurs aux niveaux de radiocarbone atmosphérique, nous pouvons rétrospectivement établir l’âge des cellules » indique Olaf Bergmann.
Les résultats de cette étude tendent à prouver que plus de la moitié des cellules de notre foie ont été développées au cours des douze derniers mois. « Nous avons constaté que la plupart des hépatocytes étaient remplacées dans les trois ans. Certaines hépatocytes (polyploïdes) peuvent toutefois rester plus longtemps dans le foie » précise le scientifique.
Si les tissus endommagés d’un organe vital sont entièrement renouvelés en moins de trois ans, alors comment expliquer un cancer du foie par exemple ?
Olaf Bergmann répond à cette interrogation en décrivant le processus lié à la maladie d’un organe tel que le foie. « Dans la maladie, d’autres processus tels que l’inflammation et la génération de fibrose jouent un rôle important dans la physiopathologie. La formation du cancer du foie est souvent la conséquence d’une inflammation chronique et d’un remplacement rapide des cellules. Les cellules qui se divisent moins souvent sont moins susceptibles de devenir malignes. Par exemple, il n’y a pratiquement pas de cancers du cœur car les cardiomyocytes ne se divisent pratiquement pas. À cet égard, les hépatocytes polyploïdes présentant un taux de division plus faible pourraient avoir un effet protecteur contre le cancer. »
À ce jour, les scientifiques savent que les cellules du foie se renouvellent tout au long de la vie, « avec un taux de 20 % par an, et donc un âge moyen de 2,5 ans ». Malheureusement, le remplacement cellulaire et les maladies du foie ne s’excluent pas mutuellement.
Au sein de leur étude, l’équipe de chercheurs allemands précisent que la régénération des cellules vient à s’amoindrir au fil des années. « Chez un humain de 25 ans, 90 % des cellules du foie ont moins de deux ans. Alors qu’à 75 ans, ça chute à 75 %. »
Le vieillissement des cellules est réel, bien qu’elles se régénèrent vite. L’équipe de scientifiques continuent d’étudier les différents scénarios pour comprendre cet organe, aussi complexe que passionnant.