« Je me fiche de la condamnation. Je n’attends rien de la justice. Elle ne peut rien. Je veux que Lucie vive, qu’elle me parle, qu’elle se trouve debout à côté de moi ! » Elsa, dont la sœur a perdu la vie à 29 ans dans un accident de la route à Toulouse fin août 2019 ne retient ni ses larmes, ni sa colère. Sa mère évoque aussi « une très belle personne » et s’énerve : « Non Lucie n’a pas été tuée par une voiture. Ce n’est pas une voiture mais bien cet individu qui l’a tuée. Pas par hasard ! »
Sur le banc du tribunal correctionnel, Gregory cache ses sanglots. Le 29 août 2019, ce commercial de l’automobile rentrait chez lui, dans le nord de Toulouse après une nuit de fête. Bières, gin tonic, rail de cocaïne… « Pas une habitude », se défend ce conducteur. Il conduisait ce vendredi matin vers 6 heures avec 1,3 g d’alcool dans le sang.
« J’ai heurté quelque chose… »
« Dans son entreprise, on le surnomme Monsieur Uber », prévient son défenseur, Me Thierry Deville. Seulement au lieu de le poser chez lui, le chauffeur l’a laissé à sa voiture, garée devant le lycée Raymond-Naves à moins d’un kilomètre de son domicile. « La seule explication, ce sont les clefs de chez moi que j’avais laissé dans ma voiture », admet le prévenu, tremblotant.
Sur le boulevard Netwiler, à environ 80 km/h, « j’ai heurté quelque chose. j’ai cru à un animal… » Dans la salle, les proches de Lucie ne masquent pas leur dégoût. « J’ai roulé quelques centaines de mètres. Je me suis arrêté. L’avant était défoncé. J’ai compris. Je suis parti en courant pour trouver. »
Il a découvert Lucie, projetée à 20 mètres du point d’impact. Il a alerté les secours. Un homme qui passait ne s’est même pas arrêté. La jeune femme, « dessinatrice, musicienne, engagée dans le monde associatif, féministe », résume l’avocate de la famille, n’a pas survécu. Mis en examen, Greogory a échappé de peu à la prison. « Depuis 2 ans et 9 mois pas un seul jour ne se passe sans que je pense à l’accident, à ses conséquences, aux douleurs que j’ai infligé », balbutie cet homme.
« Confit par l’alcool » reproche le procureur
La famille de la victime espérait une lettre qui n’est jamais venue. « Le contrôle judiciaire le lui interdisait », prévient la présidente Myriam Viargues. Le procureur Jean-Michel Peltier regrette « l’indulgence collective dont nous témoignons sur certains excès de la route ».
Mais s’il dit comprendre la douleur et la colère de la famille, il se montre mesuré. « Nous professionnels sommes habitués à la violence routière. Ce n’est pas l’image la pire qui vient devant notre juridiction. » « Trop de vitesse, confit par l’alcool », il requiert 2 ans de prison avec sursis, l’annulation du permis de conduire et 3 ans avant de le repasser.
Pas simple de défendre dans un tel contexte. Me Deville s’y emploie, malgré les portes qui claquent quand certains membres de la famille de Lucie quittent bruyamment la salle. « Il n’est pas question de négliger la douleur, irréparable. Ni d’excuser. Peut-être expliquer… » L’avocat s’inquiète de l’éclairage « limite » du boulevard, le vélo sans lumière. Il n’écarte ni l’alcool, ni la cocaïne. « Mais cet homme c’est aussi 80 000 km par an, 12 points sur son permis, jamais une faute sauf ce matin-là. Ce procès doit aussi l’aider à se reconstruire ».
Le tribunal condamne Grégory à 2 ans de prison avec sursis, annule son permis de conduire avec interdiction de le passer avant 3 ans. Il doit également payer 1500 € pour les frais de justice.