Le parquet de Lyon a saisi les juges après la révélation d’éléments à caractère antisémite rédigés par le mis en examen sur les réseaux sociaux.
Pour le Crif Auvergne-Rhône-Alpes, « c’est une affaire loin d’être élucidée, un juge d’instruction a été désigné. Nous suivons les évolutions de l’enquête », prévient Nicole Bornstein, sa présidente. Le spectre de l’affaire Sarah Halimi, du nom de cette vieille femme défenestrée après avoir été battue à mort dans son appartement à Paris par un homme jugé irresponsable par la justice et pour laquelle le magistrat instructeur a longtemps hésité avant de retenir la circonstance aggravante d’antisémitisme, hante une partie de la communauté juive.
De nouveaux éléments sont apparus dans une enquête journalistique du Progrès de Lyon ce 27 mai faisant état de l’activisme sur les réseaux sociaux de Rachid Kheniche, mis en examen pour homicide volontaire, dans lesquels il s’en prenait régulièrement aux juifs, indique le quotidien local. « À la suite d’éléments recueillis sur les réseaux sociaux et qui viennent d’être portés à la connaissance du parquet, ce dernier a décidé d’élargir la saisine des juges d’instruction à la circonstance aggravante d’acte commis à raison de l’appartenance de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », a précisé Nicolas Jacquet, le procureur de Lyon le 27 mai.
« Si l’antisémitisme peut effectivement être une caractéristique de sa personnalité complotiste, il nous faut encore démontrer qu’il s’agit d’un crime antisémite, c’est-à-dire motivé par le fait que René Hadjadj a été assassiné parce qu’il était juif » tient à préciser une source proche de l’enquête.
La piste d’une dispute entre voisins
Que s’est-il passé le 17 mai dans cette barre d’immeuble du quartier de La Duchère situé dans le 9e arrondissement de Lyon ? Selon l’enquête confiée à la section « crime » de la sûreté départementale (SD) du Rhône, René Hadjadj, 90 ans, qui vit seul au deuxième étage d’un immeuble de l’avenue du Plateau rejoint Rachid Kheniche, 51 ans, un voisin qui, lui, habite au 17e étage.
Le vieil homme, souvent seul, a l’habitude de retrouver son « ami », d’origine algérienne comme lui, avec lequel ils partagent « l’apéro » et des moments festifs. Ils vont tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. Il leur arrive également de suivre l’actualité ensemble. Le voisin de René Hadjadj a été décrit comme complotiste dans l’enquête de voisinage effectuée par les enquêteurs. Ce jour-là en toute fin d’après-midi, les deux hommes se seraient disputés. Le quinquagénaire a alors empoigné René Hadjadj et l’aurait fait basculer dans le vide.
« Présomption d’antisémitisme »
Il a fallu quelques jours d’investigations aux limiers de la SD pour reconstituer le scénario. Le soir du drame, la piste de l’accident d’un vieillard basculant de son balcon était évidente dans le quartier. Depuis, Rachid Kheniche a été interpellé, déféré, mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention.
L’ancien autoentrepreneur en nettoyage sans activité ces dernières années n’a pas pu donner une explication à son geste fatal. Il est décrit comme « cintré » (fou, NDLR) par les enquêteurs, mais à ce stade il est incarcéré en maison d’arrêt et non dans le service psychiatrique d’un établissement de santé, comme le relayaient plusieurs messages sur les réseaux sociaux ces derniers jours, voulant faire croire à une « complaisance » de la justice avec les « assassins ».
Si plusieurs personnes influentes au sein des institutions et associations représentant la communauté juive militent pour une présomption d’antisémitisme quand un juif est victime d’un crime ou d’un délit (quitte à revenir sur cette circonstance pénale aggravante lorsque l’antisémitisme n’est pas démontré après enquête), ce n’est pas le point de vue d’Ariel Amar, candidat à la succession de Francis Kalifa à la présidence du Crif, dont la campagne se déroule actuellement : « Les juifs doivent être traités comme tous les citoyens. La surenchère ne sert pas notre communauté. Cela n’empêche pas d’être vigilant. »