La forte croissance de la pédopornographie en ligne – consultation ou détention d’images d’abus sexuels sur des enfants, accompagnés souvent de viols – inquiète les enquêteurs spécialisés qui attendent beaucoup de la proposition de Bruxelles d’obliger les plateformes à signaler ce type de contenus.
La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, s’est alarmée le 11 mai de cette explosion des contenus illicites sur le net. Elle a fait valoir qu’en 2021, dans le monde, 85 millions de vidéos et photos impliquant des abus sexuels sur mineurs avaient été signalées, citant les données du centre américain pour les enfants disparus et exploités (NCMEC).
Plus de 60% de ces contenus sont hébergés sur des serveurs situés dans l’Union. En outre, « les signalements ont augmenté de 6.000 % au cours des dix dernières années » dans l’UE, selon Mme Johansson.
En France, l’Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP) avec le groupe central des mineurs victimes (17 enquêteurs), est le point de contact des signalements portés à la connaissance du NCMEC américain.
Au mois de mai, quatre dossiers, mettant en cause des hommes âgés de 17 à 60 ans, ont été ainsi résolus par les enquêteurs français. Quatre dossiers qui mettent en lumière la disparité des profils des suspects.
La dernière affaire remonte au 23 mai avec l’interpellation en Loire-Atlantique d’un homme d’environ 35 ans pour détention et consultation d’images pédopornographiques. « Il a été détecté sur le darknet (internet clandestin) et fait l’objet d’un signalement », a expliqué vendredi à l’AFP, Frédéric Courtot, chef-adjoint de l’OCRVP.
L’homme, déjà condamné pour des faits similaires, a reconnu en garde à vue avoir en outre violé et agressé sexuellement ses trois enfants dont un nourrisson. Il a été mis en examen le 25 mai et écroué.
Le 12 mai, dans les Yvelines, c’est un jeune homme de 17 ans qui a été interpellé. Egalement à la suite « de signalements, une quarantaine » portant sur près de mille vidéos et photos. Il filmait ses demi-frères âgés d’un peu plus de cinq ans qu’il violait et agressait sexuellement. Il a été mis en examen et placé dans un foyer.
« Deux semaines auparavant, aux Antilles, à Saint-Barthélémy et en Guadeloupe, les enquêteurs avaient interpellé deux hommes de 50 et 60 ans pour détention et consultation d’images pédopornographiques », a poursuivi le commissaire Courtot pour qui ce mois de mai « a connu une activité judiciaire riche » pour l’Office.
Mais au delà, il considère que face à « ce phénomène en forte augmentation », il faut « un effort collectif à tous les niveaux ». Il estime que les « outils ne sont pas uniquement répressifs ».
Et d’insister sur la « prévention », « la coopération internationale », celle avec « les associations, les ONG » et l’importance « des politiques publiques ».
A cet égard, la proposition de Bruxelles d’obliger les plateformes à signaler les contenus illicites fait, à ses yeux, partie de cet effort collectif, tout comme la création envisagée d’un centre européen de lutte contre les abus sexuels commis sur des enfants.
Le commissaire Courtot relève que l’Office s’occupe des « affaires du haut du spectre », c’est-à-dire les plus importantes, allant de l’exploitation sexuelle en ligne des enfants, à la pédocriminalité itinérante, appelée « tourisme sexuel ».
Mais il tient à mettre en lumière l’action des effectifs locaux, des services territoriaux qui s’impliquent dans ces dossiers de protection des enfants, et permettent de « multiplier les moyens de détection ».