C’est un modèle d’intégration à en croire son patron, Irwin Lafilé, gérant de La Boucherie d’Alex dans le centre-ville de Darnétal. Adama Ballo, qui va avoir 20 ans le mois prochain, a reçu dernièrement une OQTF, une Obligation de quitter le territoire français. Cette procédure devait s’appliquer mercredi 8 juin et acter son départ vers le Mali, son pays d’origine, mais un recours administratif a été lancé afin que son départ soit retardé. Selon la préfecture, le jeune homme est entré illégalement en France et son identité n’a pas pu être établie depuis. Adama est arrivé dans l’Hexagone en 2018. Un long et périlleux périple qui l’a conduit du Niger jusqu’au Maroc, puis en Espagne, à Bilbao, après une semaine de traversée en mer. De là, le jeune homme s’est rendu à Bayonne, d’où il a pris un bus pour Tours.
Une intégration réussie
C’est ici qu’il a été reconnu mineur isolé, et accueilli par l’Aide social à l’enfance. L’association l’a ensuite conduit à Rouen. « J’ai trouvé un appartement grâce aux associations et puis, avec l’éducatrice, j’ai fait des CV et je les ai déposés partout », explique le jeune homme. C’est au CFA Simone Veil que son intégration professionnelle commence. Ici, Adama passe son CAP en deux ans et intègre définitivement La Boucherie d’Alex en septembre 2021, date à laquelle il signe son CDI. « Je reçois le message de quitter le territoire alors que j’ai fait la demande de rester ici depuis 2020, je ne comprends pas », se désole le jeune homme. Il assure, pourtant, avoir envoyé son extrait de naissance à la préfecture, document que lui a fourni son frère, resté au Mali. « Quand j’ai reçu le courrier de la préfecture, je n’arrivais plus à dormir », explique Adama, ému.
Selon la préfecture, « l’original de son acte de naissance fourni avec sa demande pour justifier de son identité était contrefait ». L’institution estime donc qu’on ne peut établir l’identité réelle d’Adama, ni son âge exact lors de son arrivée en France. La préfecture indique par ailleurs que la décision ne fait pas obstacle à ce qu’il revienne sur le territoire dans le respect de la législation française, notamment par un visa long séjour en qualité d’étranger salarié.
« J’ai l’impression d’être sanctionné pour avoir commis une bonne action »
« Il faut savoir que le Mali est un pays en guerre, donc il y a un vrai risque pour son intégration physique », précise Irwin Lafilé, qui vit cette situation comme une injustice. « Maintenant qu’il a fait tous les efforts pour aller à l’école, pour se former, être embauché, avoir un appartement, une copine, une vraie vie sociale, on lui demande de rentrer chez lui », s’insurge son patron. Lancement d’une pétition, appel aux médias et aux élus, le boucher a multiplié les actions pour son apprenti depuis qu’il a appris que la préfecture avait engagé une OQTF à son encontre. Mais cette dernière lui a demandé de se désolidariser de son salarié. « J’ai l’impression d’être sanctionné pour avoir commis une bonne action. »
Cette réaction de la préfecture est « très classique », regrette Blandine Quevremont, avocate qui a déposé le recours auprès du tribunal administratif. « À 19 ans, il est locataire, il a un travail stable, et on lui oppose des problèmes de documents », explique-t-elle. D’après l’avocate, il y a de quoi être confiant, tout le parcours d’Adama plaide pour lui.
Une pétition en ligne a été lancée en soutien à Adama Ballo, réunissant près de 2 500 signatures. Le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol ainsi que le député Damien Adam, ont également écrit à la préfecture, demandant que le jeune homme puisse rester sur le territoire au regard des efforts d’intégration qu’il a faits.