Chaque jour qui passait amenuisait l’espoir de les retrouver vivants. Le voilà complètement éteint. Dix jours après la disparition du journaliste britannique Dom Phillips et de l’expert brésilien Bruno Pereira en Amazonie, les pires craintes se sont confirmées mercredi : un suspect a reconnu avoir enterré leurs corps et des «restes humains» ont été retrouvés sur les lieux des recherches.
«Hier soir nous avons obtenu les aveux du premier des deux suspects arrêtés […] qui a raconté en détail comment le crime a été commis et nous a dit où les corps avaient été enterrés», a expliqué lors d’une conférence de presse le chef de la police fédérale de l’Etat d’Amazonas, Eduardo Alexandre Fontes, à Manaus, la plus grande ville d’Amazonie, dans le nord du Brésil.
Le policier a indiqué que le suspect, un pêcheur de 41 ans nommé Amarildo da Costa de Oliveira, avait reconnu avoir participé au «crime», mais sans préciser son rôle. Le pêcheur avait été amené par la police sur les lieux des recherches pour leur montrer l’endroit précis. Oliveira dit que les deux hommes ont été tués «par arme à feu», a précisé le policier, qui n’exclut pas de nouvelles arrestations.
L’autopsie doit encore confirmer l’identité des restes retrouvés
Amarildo da Costa de Oliveira, surnommé «Pelado», a été arrêté dès le 7 juin. Des témoins ont dit l’avoir vu passer à vive allure à bord d’un bateau allant dans la même direction que l’embarcation de Dom Phillips et Bruno Pereira, avant leur disparition. Le second suspect, Oseney da Costa de Oliveira, dit «Dos Santos», a été arrêté mardi, «soupçonné de participation à l’affaire», selon la police fédérale. Il s’agirait du frère du premier suspect selon le Globo en ligne.
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«Des excavations ont été effectuées sur place, les fouilles vont continuer, mais des restes humains ont déjà été retrouvés», a ajouté Eduardo Alexandre Fontes. «Dès que nous aurons pu vérifier grâce à l’expertise qu’il s’agit bien de restes des corps de Dom Phillips et Bruno Pereira, ils seront restitués aux familles.»
L’épouse brésilienne du journaliste, Alessandra Sampaio, a tenu à remercier dans un communiqué «toutes les équipes qui ont mené les recherches, notamment les indigènes bénévoles» dont l’absence lors de la conférence de presse a été critiquée par de nombreux observateurs. «Même si nous attendons encore les confirmations définitives, ce dénouement tragique met fin à l’angoisse de ne pas savoir où se trouvaient Dom et Bruno. A présent, nous allons pouvoir les ramener à la maison et leur dire adieu avec amour, écrit-elle. Aujourd’hui, nous débutons aussi notre combat pour la justice […] Nous n’aurons la paix que quand seront prises les mesures nécessaires pour que de telles tragédies ne se reproduisent pas.»
La vallée de la Javari, une zone dangereuse
Le journaliste britannique et l’expert brésilien avaient été vus pour la dernière fois le 5 juin, durant une expédition dans la zone de la Vallée de Javari. Cette région proche de la frontière avec le Pérou et la Colombie est réputée très dangereuse, s’y déploient de multiples trafics de drogue, de pêche ou d’orpaillage illégal. Elle est devenue ces dernières années un axe stratégique pour les gangs de narcotrafiquants qui acheminent par voie fluviale de la cocaïne ou du cannabis produits dans les pays voisins.
Auteur de dizaines de reportages sur l’Amazonie, Dom Phillips, 57 ans, installé au Brésil depuis quinze ans, s’était rendu une nouvelle fois dans la région dans le cadre de recherches pour un livre sur la préservation de l’environnement. Bruno Pereira, 41 ans, expert reconnu et défenseur des droits des peuples autochtones, a travaillé durant de nombreuses années à l’agence gouvernementale brésilienne pour les affaires indigènes (Funai). Il a notamment dirigé l’antenne de la Funai à Atalaia do Norte, localité où les deux hommes étaient censés rentrer en bateau quand ils ont disparu, ainsi qu’un programme de protection de groupes indigènes isolés de la zone.
L’Union des peuples indigènes de la vallée de Javari (Univaja), dont les membres ont participé aux perquisitions, a qualifié le meurtre de «crime politique». L’Univaja a rappelé avoir déjà alerté les autorités sur la présence de groupes de pêcheurs et de chasseurs illégaux liés aux trafiquants de drogue, «mais les mesures n’ont pas été prises assez rapidement. C’est pourquoi nous assistons aujourd’hui au meurtre de nos collègues Pereira et Phillips», accusent-ils. «Quand les forces de l’ordre et la presse partiront, que va-t-il nous arriver ? Allons-nous continuer à vivre sous la menace ?» s’interroge l’organisation.
par Infos-Divers et AFP