Amadou Koumé est mort à la suite d’une interpellation, alors qu’il était en proie à une crise de démence dans un bar parisien. Trois policiers sont actuellement jugés pour homicide involontaire.
Il estime n’avoir rien à se reprocher. Trois fonctionnaires de police comparaissent depuis ce lundi à Paris, plus de sept ans après la mort d’Amadou Koumé, arrêté alors qu’il était en proie à une crise de démence dans un bar de la capitale. Celui qui a joué un rôle majeur dans l’interpellation ayant mené à la mort du père de famille de 33 ans, jugé pour homicide involontaire, a assuré ce mardi avoir usé ce soir-là d’une force « proportionnée ».
Arrivé en renfort après une première équipe, ce policier de la Brigade anti-criminalité (BAC) a pratiqué deux clés d’étranglement sur Amadou Koumé, qui a ensuite été maintenu au sol, sur le ventre, les mains menottées dans le dos.
Selon l’expertise médicale finale, il a succombé à une « asphyxie mécanique lente », dû à un « traumatisme cervical et laryngé » entraîné par la clé d’étranglement et à son immobilisation prolongée au sol. Si une « intoxication à la cocaïne » a aussi été relevée, l’expertise souligne que le décès « aurait pu avoir lieu (…) du seul fait d’une asphyxie mécanique lente ».
Les « gestes techniques correctement appliqués »
« Toute l’intervention est dans un rapport de force », a déclaré à la barre le policier auteur des gestes d’étranglement, après un visionnage seconde par seconde des images de vidéosurveillance du bar. Parlant d’une « lutte », ce fonctionnaire de 45 ans, cheveux bruns, épaules larges dans une chemise blanche à manches courtes, a estimé avoir ce soir-là « correctement appliqué » les « gestes techniques ». Pour lui, la seconde manœuvre d’étranglement, qui a duré près de deux minutes, était un « levé de tête » visant à permettre le menottage arrière.
Confronté aux images, il reconnaît néanmoins que la première, de quelques secondes, a pu conduire à appuyer sur la trachée d’Amadou Koumé, en raison d’un « basculement » sur le « carrelage » glissant. « Les fiches techniques qu’on nous donne, c’est joli à l’école, mais une fois sur le terrain, c’est carrément impossible », a-t-il lâché.
Les trois prévenus ont un casier vierge mais Anthony B. avait déjà été sanctionné administrativement pour un usage « disproportionné » de la force, a souligné le président. Ce « blâme » était « pour des coups de poing portés, ça n’a aucun rapport, ce n’était pas des gestes techniques », a protesté le policier, qui a soutenu que, dans la nuit du 5 au 6 mars 2015, « la force était proportionnée ».
Les trois hommes sont poursuivis pour des « maladresses » et « manquements » : les gestes « mal maîtrisés » du premier policier mais aussi le maintien d’Amadou Koumé en position ventrale, pendant plus de 6 minutes alors qu’il ne présentait « plus de danger » et ce, sans « s’enquérir de son état ».
La formation mise en cause
À l’issue de l’interpellation, « vous vous êtes préoccupé de votre bien-être », en voulant soigner une plaie à la tempe, a souligné une juge assesseure. « Est-ce que vous ne vous êtes pas dit qu’il fallait aussi se soucier de son bien-être ? ». À la fin, « je le regarde, tout va bien », a assuré le policier, affirmant que, « visuellement, physiquement, il n’a aucun signe de malaise, de fatigue ou autre ». Le président a relevé le « contraste » entre les déclarations de certains témoins, qui disent avoir entendu Amadou Koumé « chercher son souffle », et celles des policiers, qui parlent de « bruits d’effort ».
Un deuxième prévenu, alors brigadier, a posé un genou sur les lombaires d’Amadou Koumé puis sur son bras, avant de rester agenouillé à ses côtés, alors qu’il était face contre terre. Lorsque la magistrate, soulignant qu’il s’agissait là d’une « position très inconfortable », s’est demandé si cela n’avait pas « paru trop lourd, par rapport au bien-être » de la victime, le prévenu de 47 ans a répondu par la négative. « On n’avait pas l’intention de le laisser longtemps allongé, c’était le temps de lui passer les menottes », a-t-il poursuivi, rappelant que l’homme avait « quand même lutté contre dix policiers, on n’arrivait pas à prendre le dessus, ça laissait penser que c’était quelqu’un de très sportif ».
Le troisième prévenu, alors major, a affirmé s’être écarté rapidement de l’interpellation. « Du fait de mon état de santé, de ma poussée d’adrénaline, je n’étais plus moi-même », a déclaré cet homme de 62 ans. Étant gradé ce soir-là, il a admis qu’Amadou Koumé « aurait dû être sous (sa) responsabilité ». Interrogé sur ses regrets par l’avocat des parties civiles, il a lâché : « Si on avait eu le matériel adéquat, la formation adéquate, ça se serait passé autrement ».
Par Infos-Divers avec AFP