Le parquet national antiterroriste a requis ce vendredi la rĂ©clusion Ă perpĂ©tuitĂ© incompressible Ă l’encontre de Salah Abdeslam, dernier membre des commandos des attentats du 13-novembre encore en vie. Il a requis entre cinq ans et la perpĂ©tuitĂ© contre les autres accusĂ©s.
Six ans et demi après les attentats du 13-novembre qui ont fait 131 morts et 350 blessĂ©s Ă Paris et Saint-Denis, le parquet national antiterroriste (Pnat) a requis ce vendredi après-midi des peines allant de cinq ans d’emprisonnement Ă la rĂ©clusion Ă perpĂ©tuitĂ© incompressible Ă l’encontre des vingt accusĂ©s jugĂ©s depuis septembre. La perpĂ©tuitĂ© incompressible est notamment requise Ă l’encontre de Salah Abdeslam, dernier membre des commandos encore en vie.
Cette sanction, qui rend infime la possibilitĂ© d’obtenir un amĂ©nagement de peine et donc une libĂ©ration, n’a Ă©tĂ© que très rarement requise en France. Elle a Ă©tĂ© demandĂ©e « au regard de l’immense gravitĂ© des faits » qui sont reprochĂ©s au Français de 32 ans, « acteur-clé » des attaques. A l’audience, « malgrĂ© ses paroles, malgrĂ© ses larmes, Salah Abdeslam est restĂ© fidèle jusqu’au bout Ă son idĂ©ologie » et n’a jamais exprimĂ© « le moindre remords », a tancĂ© l’avocate gĂ©nĂ©rale Camille Hennetier. RestĂ© mutique pendant la quasi-totalitĂ© de l’enquĂŞte, le Français de 32 ans a affirmĂ© Ă plusieurs reprises Ă l’audience avoir « renoncé » Ă dĂ©clencher sa ceinture explosive le soir des attentats, « par humanité ».
Entre cinq ans et la perpétuité incompressible contre Salah Abdeslam
L’accusation a Ă©galement requis la perpĂ©tuitĂ© incompressible contre Oussama Atar, « cadre supĂ©rieur de la terreur » du groupe Etat islamique et commanditaire des attentats. Il est prĂ©sumĂ© mort en Syrie et jugĂ© par dĂ©faut. Ce Belge vĂ©tĂ©ran du jihad Ă©tait « chargĂ© de la conception des attentats, du recrutement, de la sĂ©lection des cibles et de la projection des commandos en Europe », a soutenu le ministère public. « Sa responsabilitĂ© est totale ».
Contre Sofien Ayari, Tunisien de 28 ans, et Osama Krayem, SuĂ©dois de 29 ans, l’accusation a requis la perpĂ©tuitĂ© assortie d’une pĂ©riode de sĂ»retĂ© de trente ans. L’accusation a la « certitude » que ces deux « combattants aguerris » de l’Etat islamique devaient commettre un attentat Ă l’aĂ©roport d’Amsterdam le 13 novembre 2015, mais qu’il « s’est passĂ© quelque chose » d’imprĂ©vu. Les deux hommes « sont venus comme les autres avec une mission : frapper l’Europe », et font « pleinement partie du dispositif du 13-Novembre », a dit le ministère public.
La rĂ©clusion criminelle Ă perpĂ©tuitĂ© avec une pĂ©riode de sĂ»retĂ© de trente ans a aussi Ă©tĂ© requise contre Ahmad Alkhald, alias du Syrien Omar Darif, artificier en chef de la cellule jihadiste, « dĂ©pĂŞchĂ© en Belgique pour superviser la confection » des ceintures explosives avant de reprendre la route pour la Syrie peu avant les attentats. L’accusation a Ă©galement demandĂ© la perpĂ©tuitĂ© incompressible contre Obeida Aref Dibo, autre cadre syrien des « opĂ©rations extĂ©rieures » du groupe Etat islamique.
Tous deux sont présumés morts lors de frappes occidentales en Syrie.
Trente ans de rĂ©clusion avec une pĂ©riode de sĂ»retĂ© des deux tiers ont Ă©tĂ© requis contre Ahmed Dahmani, Belgo-marocain de 33 ans, ami de Salah Abdeslam et accusĂ© d’avoir aidĂ© Ă la prĂ©paration des attentats. Celui qui s’Ă©tait enfui le 14 novembre 2015 en Turquie y a Ă©tĂ© condamnĂ© en 2016 Ă dix ans de prison. Il y est toujours dĂ©tenu et est Ă©galement jugĂ© en son absence.
Le Pnat a requis rĂ©clusion criminelle Ă perpĂ©tuitĂ© avec pĂ©riode de sĂ»retĂ© de 22 ans contre Mohamed Abrini. Voisin loquace de box et ami d’enfance de Salah Abdeslam, Mohamed Abrini, « l’homme au chapeau » des attentats de Bruxelles en mars 2016, Ă©tait lui aussi « bien prĂ©vu » pour le 13-Novembre, selon le parquet. « Ce sont des peines lourdes qui sont demandĂ©es, des peines qui sont en totale disproportion par rapport Ă ce qu’on peut connaĂ®tre en Belgique », a rĂ©agi sur franceinfo Stanislas Eskenazi, avocat de Mohammed Abrini.
La perpĂ©tuitĂ© avec 22 ans de sĂ»retĂ© a Ă©galement Ă©tĂ© requise contre Mohamed Bakkali, la « cheville ouvrière » du groupe derrière le 13-Novembre, qui a refusĂ© de s’expliquer au cours du procès. Le Belgo-marocain de 35 ans est « une pièce centrale » de la cellule jihadiste, « homme de confiance » des logisticiens en chef pour qui il a louĂ© planques et voitures, a dit l’accusation, affirmant qu’il « connaissait parfaitement la rĂ©alitĂ© d’un projet d’attentat de masse ». « Il a voulu apparaĂ®tre comme l’idiot utile. Utile sans aucun doute, idiot certainement pas », a conclu le ministère public.
Les avocats gĂ©nĂ©raux ont demandĂ© la perpĂ©tuitĂ© avec vingt-deux ans de sĂ»retĂ© Ă l’encontre de Fabien et Jean-Michel Clain, deux Français prĂ©sumĂ©s morts en Syrie et jugĂ©s en leur absence. C’est Fabien Clain qui avait lu le communiquĂ© de revendication de l’EI, sur fond des chants religieux de son frère Jean-Michel. La revendication a « une place essentielle », et les deux frères ont « par leurs voix donnĂ© de l’Ă©cho aux attentats », pour « maximiser la terreur » et « dĂ©cupler la sidĂ©ration », a estimĂ© le ministère public.
Une peine de vingt ans de rĂ©clusion avec une pĂ©riode de sĂ»retĂ© des deux tiers a Ă©tĂ© requise contre le Pakistanais Muhammad Usman et l’AlgĂ©rien Adel Haddadi, « combattants d’expĂ©rience et de confiance » qui avaient empruntĂ© la route des migrants avec deux kamikazes du Stade de France.
« Loin d’ĂŞtre des victimes passives », comme ils l’ont prĂ©tendu, ils Ă©taient selon les magistrats « rĂ©solus Ă aller jusqu’au bout de leur mission » et commettre un attentat en France, mais ont Ă©tĂ© interpellĂ©s en Grèce.
Contre Ali El Haddad Asufi, Belgo-marocain de 37 ans, « meilleur ami depuis le lycĂ©e » du logisticien en chef des attentats Ibrahim El Bakraoui, le ministère public a demandĂ© seize ans de rĂ©clusion avec une peine de sĂ»retĂ© des deux tiers. Il Ă©tait parmi les « tĂ©moins privilĂ©giĂ©s » des agissements de la cellule et si l’origine des armes utilisĂ©es le 13-Novembre n’a jamais pu ĂŞtre retracĂ©e, Ali El Haddad Asufi fait bien partie, selon l’accusation, de ceux qui ont cherchĂ© Ă s’en procurer.
Neuf ans de prison avec une pĂ©riode de sĂ»retĂ© des deux tiers ont Ă©tĂ© requis contre Yassine Atar, le petit frère du commanditaire des attentats, qui n’a cessĂ© de clamer son innocence. Mais le Belge de 35 ans n’est pas « un coupable par substitution », a assurĂ© l’accusation. Cousin des logisticiens en chef, « il fait partie du cercle » et a bien « eu connaissance de prĂ©paratifs suspects » de la cellule, Ă©tant prĂ©sent Ă des « moments clefs » du dossier.
Une peine de huit ans d’emprisonnement a Ă©tĂ© demandĂ©e contre Mohammed Amri, Belgo-marocain de 33 ans qui a pris sa voiture pour aller chercher Salah Abdeslam Ă Paris dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015, avec son coaccusĂ© Hamza Attou. Les deux hommes ont jurĂ© qu’ils ne s’Ă©taient pas doutĂ©s que leur « copain de quartier » Ă©tait impliquĂ© dans les attentats, et ne l’avaient appris que sur le trajet du retour. « Ils peuvent Ă tout moment le dĂ©noncer Ă la police, prendre la fuite en voiture. Ils avaient de multiples occasions de se dĂ©faire de Salah Abdeslam », estime plutĂ´t l’accusation.
A l’encontre du plus jeune des accusĂ©s, Hamza Attou, l’un des trois Ă comparaĂ®tre libres, le ministère public a rĂ©clamĂ© une peine de six ans d’emprisonnement avec mandat de dĂ©pĂ´t Ă effet diffĂ©rĂ©. La peine demandĂ©e n’est pas amĂ©nageable et si elle est suivie par la cour, il devra l’effectuer en prison.
Le Belge de 28 ans était allé récupérer Salah Abdeslam avec Mohammed Amri.
Les magistrats du Pnat ont requis une peine de six ans d’emprisonnement avec mandat de dĂ©pĂ´t diffĂ©rĂ© contre Abdellah Chouaa, jugĂ© pour ĂŞtre allĂ© rĂ©cupĂ©rer Mohamed Abrini Ă l’aĂ©roport Ă son retour de Syrie. Le Belgo-marocain de 41 ans, qui comparaĂ®t libre, « n’a pu ignorer le basculement » dans la radicalisation de son ami dont il connaissait la destination, soutient l’accusation. Si les rĂ©quisitions sont suivies il devra effectuer sa peine en prison.
Une peine de six ans a aussi Ă©tĂ© demandĂ©e Ă l’encontre de Farid Kharkhach, ce Belgo-marocain de 39 ans, jugĂ© pour avoir confectionnĂ© de faux papiers d’identitĂ© pour la cellule jihadiste, sans savoir jure-t-il qu’ils serviraient Ă des attentats. « Par appât du gain et cupiditĂ©, il a choisi de fermer les yeux sur la personnalitĂ© et les convictions problĂ©matiques » du très radical logisticien en chef de la cellule jihadiste avec qui il a fait affaire, a estimĂ© l’accusation.
La peine la plus basse – cinq ans d’emprisonnement – a Ă©tĂ© demandĂ©e contre Ali Oulkadi. Le Français de 37 ans est jugĂ© pour avoir aidĂ© Salah Abdelsam au dĂ©but de sa cavale et ne pas l’avoir dĂ©noncĂ©. Il comparaĂ®t sous contrĂ´le judiciaire et la peine demandĂ©e est amĂ©nageable. Si elle est suivie, il ne retournera pas en prison. Comme Mohamed Amri et Hamza Attou, il a agi avec « complaisance » et « en conscience du contexte terroriste », mais lui a depuis « pris conscience » de la gravitĂ© des faits, a estimĂ© l’accusation.
Le parquet national antiterroriste a Ă©galement rĂ©clamĂ© que des interdictions du territoire national, de 10 ans ou dĂ©finitives, soient prononcĂ©es Ă l’encontre de l’ensemble des accusĂ©s, Ă l’exception de ceux qui ont la nationalitĂ© française dont Salah Abdeslam.
« Ceux qui ont commis ces crimes abjects ne sont rien d’autres que des vulgaires terroristes, des criminels », a affirmĂ© l’avocat gĂ©nĂ©ral Nicolas Le Bris au dĂ©but de son ultime prise de parole. « La fureur sanguinaire de ces criminels Ă©tait sans limite », a-t-il considĂ©rĂ©, en revenant en dĂ©tail sur les attaques devant le Stade de France, sur les terrasses de cafĂ©s parisiennes et au Bataclan. « La lâchetĂ© pourrait ĂŞtre la devise » du groupe État islamique (EI), a estimĂ© Nicolas Le Bris avant de complĂ©ter sa phrase en parlant de « lâchetĂ© et perversion ».
La parole sera donnée à la défense à partir de lundi et pour deux semaines. Le verdict est attendu le 29 juin.